L’œuvre de Crozier permet l’étude
approfondie des mécanismes bureaucratiques, des multiples
freins au changement, de la crise du service public, des styles
de management et d’autorité ou encore les processus
de décision au sein de l’organisation.
Michel Crozier a élaboré, avec Erhard Friedberg,
La théorie de l'acteur stratégique. Il s'agit
d'une théorie centrale en sociologie des organisations.
Elle part du constat suivant : étant donné
qu'on ne peut considérer que le jeu des acteurs est
déterminé par la cohérence du système
dans lequel ils s'insèrent, ou par les contraintes
environnementales, on doit chercher en priorité à
comprendre comment se construisent les actions collectives
à partir de comportements et d'intérêts
individuels parfois contradictoires entre eux.
Au lieu de relier la structure organisationnelle à
un ensemble de facteurs externes, cette théorie essaie
donc de l'appréhender comme un construit humain, rejoignant
en cela une démarche qui situe les déterminants
causals comme allant principalement de l'individu vers la
structure (l'individualisme méthodologique) et non
de la structure vers l'individu (structuralisme).
Crozier et Friedberg proposent une méthode empirique
pour comprendre le fonctionnement des organisations, ils conseillent
d'analyser une organisation en se penchant sur les jeux de
pouvoir qui la structurent et rendent les comportements des
acteurs intelligibles. On constate alors que l'issue des jeux
est relativement imprévisible, les acteurs s'écartent
souvent de manière significative du rôle qu'ils
doivent jouer.
Pour le comprendre, il faut faire intervenir la notion de
zone d'incertitude. Ces zones correspondent aux failles dans
les règles, aux défaillances techniques, aux
pressions économiques qui empêchent le déroulement
des objectifs de l'organisation. Elles ont également
une autre source, les acteurs peuvent avoir intérêt
à masquer leur véritable jeu, afin de conserver
une certaine capacité de négociation dans les
jeux de pouvoir. Un comportement imprévisible réduit
le pouvoir de celui qui édicte les règles et
cherche à les faire appliquer. Qui plus est, même
si le régulateur cherche à accroître le
nombre de règles pour canaliser le comportement des
acteurs, il peut engendrer un effet pervers en déplaçant
les motivations des acteurs visés de leur but initial
(comme c'est le cas dans le zèle du fonctionnaire).